Dr Vétérinaire Etienne Schepkens de Bruay la Buissière (62700)
Je suis souvent consulté fin juin, et ceci d'autant plus par les " joueurs de championnats " que ce soit en jeu de vitesse, demi-fond, fond pour une baisse de forme et de performances alors que tout
allait bien jusque là.
Fin juin est la période la plus propice à cette baisse de forme et on appelle plus communément cet incident " le creux de juin ". Elle correspond à peu de chose près à la mi-saison pour des pigeons déjà
sollicités en vitesse depuis fin mars - début avril et en demi-fond depuis fin avril.
Pour bien cerner le problème, il me parait important de définir la notion de forme physique.
La forme est un équilibre entre la santé et la maladie et plus l'animal est sollicité, plus cet équilibre devra être renforcé. Différents facteurs viennent altérer la forme physique, il y a des facteurs infectieux, non
infectieux et médicamenteux les uns étant influencés par les autres . Nous allons voir en détail ces différents facteurs de manière à trouver une solution globale à ce problème multifactoriel.
Nous allons d'abord évoquer les problèmes infectieux subdivisés en problèmes respiratoires, en maladies générales chroniques et en problèmes digestifs.
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Coryza infectieux (image : hypersaturation et inflammation de la muqueuse buccale)
Le coryza est dû à PHV1 (Pigeon Herpes Virus 1) . Ce virus est propre au pigeon . Tous les pigeons dès leur naissance entrent en contact avec le virus et sont infectés. Il va rester caché dans les
cellules du pigeon et ne va s'exprimer et ainsi déclencher la maladie que lorsqu'il y aura une rupture de l'équilibre santé. Celle-ci est due à différents facteurs infectieux ou non infectieux (Trichomoniase, Paratyphose,
Coccidiose, Vers, aération, promiscuité, stress, fatigue après le vol, conditions climatiques, déséquilibre de la flore intestinale par traitements antibiotiques, corticoïdes etc.)
Le virus du coryza va préparer le terrain aux germes compliquant (Colibacilles, streptocoques, staphylocoques, mycoplasmes, pasteurelles etc.) et sans traitement adéquat va évoluer selon la cause en maladie
respiratoire chronique (CRD)
Ornithose chronique (image : péricardite)
L' Ornithose est due à Chlamydia Psittaci et dans sa forme aiguë provoque de nombreuses mortalités chez les jeunes pigeons. Cette maladie existe aussi de manière chronique beaucoup moins visible chez bon
nombre de pigeons et peut provoquer outre des symptômes respiratoires supérieurs (conjonctivite, écoulements nasaux, respiration bec ouvert, gonflement des oreilles etc.) des lésions des voies respiratoires profondes (aérosacculite),
des lésions cardiaques (péricardite) et des lésions du foie (hépatite).
Rappelons que les souches de chlamydia psittaci isolées chez le pigeon sont rarement transmissibles et peu pathogènes pour l'homme.
Trichomonose
La trichomonose est due à Trichomonas Columbae et infecte nombre de pigeons. Si des lésions évidentes de chancre et d'abcès apparaissent chez les jeunes et les sujets immunodéprimés, la plupart du temps,
l'infection provoque chez les vieux uniquement une baisse de forme et une propension à développer plus souvent un coryza.
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La paratyphose
(image : arthrite de l'articulation)
Elle est due à Salmonella Typhimurium et peut chez les vieux prendre une forme chronique sans symptômes si tout va bien et donner parfois uniquement une baisse de performances mais aussi dans certains cas
une diarrhée avec sortie de salmonelles , des boiteries, des maux d'aile intervenant en pleine saison.
Streptococcus Bovis
image : foyers de nécrose dans les muscles pectoraux
Le " Streptococcus Bovis " ainsi communément appelé est une pathologie assez méconnue du colombophile bien que pouvant provoquer une mortalité sensible chez les jeunes. Chez les vieux, il peut
exister sous forme chronique et donner alors une baisse souvent importante des performances alors que le colombophile croit faire ce qu'il faut pour maintenir sa colonie en forme.
On constate parfois chez certains pigeons des problèmes de régurgitation, des boiteries et des ailes pendantes.
J'en diagnostique de plus en plus en clientèle surtout chez les amateurs qui utilisent à tort et à travers des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones. En effet, les fluoroquinolones ne sont en général pas actives
sur les streptocoques mais le sont sur la plupart des autres germes laissant la porte ouverte à la multiplication de ces streptocoques.
Adénovirose
L'adénovirose est une maladie aiguë qui peut aussi toucher les vieux , on l'appelle Adénovirose Type 2. Elle est encore plus insidieuse et provoque des mortalités brutales au hasard touchant souvent les
meilleurs pigeons. La mort est due à une hépatite aiguë.
Depuis l'évolution des tests diagnostics modernes (pcr), on constate que la plupart des pigeons atteints d'adénovirose sont aussi atteints de circovirose.
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image : pigeons amaigris par les capillaires.
Ascaris et Capillaires
Les vers Ascaris peuvent provoquer une baisse de forme lors d'infestation massive.
Les vers capillaires se nourrissent de sang et il n'en faut pas énormément pour provoquer une baisse importante de forme. Le diagnostic n'est pas toujours aisé car les symptômes peuvent apparaître avant
la découverte des œufs dans les fientes.
Colibacillose
E Coli est souvent incriminé comme germe compliquant de maladies virales. Chez des pigeons immunodéprimés (circovirose ou corticoïdes), les colibacilles, hôtes normaux de l'appareil digestif de nos
pigeons peuvent se multiplier et donner des baisses de forme mais parfois aussi des diarrhées importantes.
Coccidiose
La coccidiose peut venir affaiblir nos pigeons adultes de deux manières. Soit il y a trop de coccidies dans l'intestin et le pigeon peut présenter une baisse de forme , soit il y a eu des traitements
préventifs abusifs et il n'y a pas de coccidies du tout dans l'intestin et pas d'immunité auto-entretenue et à la moindre coccidie rencontrée, le pigeon pourra déclarer une coccidiose clinique.
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La forme physique est aussi influencée par des problèmes non infectieux, certains de ces facteurs pourront être corrigés : erreurs alimentaires, erreurs de management, excès de jeu, fatigue, aération,
hygiène, promiscuité, manque de temps d'autant plus que les jeunes sont mis en route à ce moment là. D'autres facteurs ne dépendent pas du colombophile : conditions climatiques, conditions
d'enlogement, moment du lâcher, accidents etc.
Enfin, certains médicaments trop ou mal donnés peuvent venir influencer la forme physique et parfois gâcher toute la saison. Je citerai entre autres des vaccinations avec des produits inadéquats, des
traitements préventifs ou curatifs à l'aveuglette, une utilisation massive d'antibiotiques, l'emploi de corticoïdes qui provoque une diminution de résistance aux infections, l'emploi trop fréquent de vitamines provoquant
une mue précoce, recettes miracles avec produits et préparations inconnus, dopage etc.
Il y a des moyens de lutter contre tous ces problèmes, en ce qui concerne les problèmes infectieux, la vaccination contre la paratyphose et la variole permet déjà d'éliminer ces deux maladies, pour la
trichomonose, on peut préconiser un traitement préventif régulier mais on constate de plus en plus de résistance au traitement, l'utilisation régulière d'acides faibles permet d'espacer les traitements préventifs et
a en outre une action bénéfique sur l'équilibre de la flore intestinale, pour le coryza, sachant que celui-ci peut apparaître lors de tout déséquilibre, il faut lutter contre tous les facteurs infectieux et non
infectieux, l'ornithose chronique peut être détectée bien avant la saison et un traitement adéquat ainsi que l'utilisation de plans de jeu spécifiques permettent souvent de limiter les dégâts pendant la saison, le
streptococcus bovis est évitable à partir du moment où l'on utilise les fluoroquinolones sous contrôle d'un vétérinaire averti, si celui-ci est malgré tout diagnostiqué lors du creux de juin, les résultats mettent un
certain temps à revenir malgré un traitement adéquat, la colibacillose peut être traitée, il faut aussi lutter contre les maladies virales l'ayant provoquée et s'assurer du bon équilibre de la flore intestinale ,un
traitement adapté pourra éliminer les vers, il est toutefois préférable de ne vermifuger que lors d'analyse de fientes positive, enfin il ne sert à rien de lutter de manière préventive contre la coccidiose mais il faut
la traiter quand elle est là.
La plupart des problèmes non infectieux et médicamenteux sont évitables.
Pour terminer, je voudrais vous citer quelques points importants qui vous permettront d'éviter au maximum le creux de juin :
* Vacciner
* Contrôles vétérinaires réguliers des pigeons et des fientes
* Traitements si nécessaire
* Pas de traitements préventifs aveugles
* Ne pas affaiblir les pigeons - répartir si possible en équipes
* Renforcer les capacités de réaction du corps :
Alimentation appropriée en quantité suffisante et de bonne qualité
Immunostimulants
Régulateurs de flore intestinale
Vitamines et minéraux sans abuser
* Aider à la récupération lors du retour
Réensemencer la flore intestinale dégradée par le vol
Electrolytes
Vitamines et dépuratifs
Anti-inflammatoires si nécessaire
* Eviter la promiscuité dans le pigeonnier
* Hygiène et propreté maximales
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